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Mon PAssuly
30 novembre 2016

Internationalisation et digitalisation

À l’origine, elle devait avoir la puissance colorée d’un Gauguin, au final, cette réforme de l'audit aura donc plutôt les allures d’un pastel demi-teinte, façon François Boucher. La Fontaine aurait pu en tirer une fable évoquant une souris et une montagne. De concessions en compromis, de négociations en pression de lobbys, l’ambition initiale du commissaire européen Michel Barnier, traumatisé par la faillite de la banque Lehmann Brothers et plus encore par la carence d’alarme des auditeurs qui avaient même certifié les comptes sans réserves quelques mois auparavant, a été singulièrement amodiée. Et l’objectif fondateur – dynamiter le cartel des big four – abandonné. Or le modèle français de l'audit – double prestataire obligatoire – le met à l’abri des grands bouleversements puisque dans le cas du 'joint audit', le renouvellement des cabinets n’est obligatoire qu’après 24 ans. Certes. Mais l’analyse de cette réforme par le plus puissant des outsiders, Philippe Castagnac, chairman et CEO de Mazars, montre bien que les enjeux de cette profession dépassent ces péripéties circonstancielles. “De concessions en compromis, de négociations en pression de lobbys, l’ambition initiale du commissaire européen Michel Barnier, a été singulièrement amodiée. Et l’objectif fondateur – dynamiter le cartel des big four – abandonné” Ainsi donc la réforme de l’audit – version française – aura quelques retards. Certains embouteillages du côté du Conseil d’État n’auront pas permis de respecter la “deadline” du 17?juin, deux années pile après l’adoption de la directive européenne. Plus de cinq ans après l’ambition initiale, plutôt radicale, affichée par Michel Barnier, commissaire européen: “Le marché de l’audit doit être plus ouvert. Nous ne pouvons nous satisfaire d’un marché européen des audits des sociétés cotées dont 80?% est dominé par quatre grandes entreprises.” Avec volontarisme, il affichait alors trois objectifs?: création de cabinets d’audit “pur” remettant en cause le modèle pluridisciplinaire des grands réseaux mondiaux, changement obligatoire d’auditeurs tous les six ans, et obligation pour certains groupes de recourir à deux cabinets d’audit. L’intention, limpide – déconcentrer une profession plus que largement cartellisée par les fameux “Big four”, Deloitte, PWC, E&Y et KPMG se partageant en France plus de 85?% des mandats du CAC 40 –, sortira quelque peu édulcorée, selon une expression plus qu’euphémique, quatre années de négociations plus tard, du laminoir activé par de puissants lobbys au Parlement européen. Comme en convient le chairman et CEO de Mazars. “Le premier objectif était effectivement de déconcentrer. On est complètement à côté, il n’y aura pas de déconcentration. Les Big four ont cherché à faire ce qu’il fallait et obtenu un certain nombre de choses, mais pas d’autres, comme la non-rotation des firmes?: tout le monde y était opposé, y compris eux” commente Philippe Castagnac, évoquant les incidences de cette réforme de l'audit dans un marché européen très marqué par les cultures nationales. Trois leviers principaux permettent d’ouvrir le marché de l'audit à des acteurs plus modestes?: le "joint audit" (commissariat aux comptes assuré par deux cabinets) obligatoire en France depuis 1966, un renouvellement plus fréquent des prestataires afin d’éviter la tentation d’une trop grande “familiarité” avec leur client, des appels d’offres excluant des marchés passés de gré à gré. 1/ Le double commissariat aux comptes limitant les possibilités de trop étroite connivence est l’un des constituants majeurs du modèle de l'audit à la française, à distinguer de l’anglo-saxon. “Ce n’est pas une pratique courante, elle a été torpillée par les Anglo-Saxons qui n’en voulaient pas. Le lobbying de Londres a été très fort. La France a beaucoup poussé son joint audit, les Anglais beaucoup contré. Ce double regard limite les risques de familiarité. L’Europe ne l’a pas imposé car elle a voulu imposer la rotation des firmes et ne voulait imposer simultanément les deux. Huit pays de l’Union auront donc à disposition ce joint audit, seule façon d’ouvrir le marché, dont l’Allemagne, l’Espagne, la Suède, la Slovaquie et la Pologne, mais pas l’Italie.” Avantage du dispositif?? Il repousse l’échéance de renouvellement des mandats de 10 à 24 ans, tout en offrant de nouvelles opportunités à ces professionnels. “On n’est pas obligé de faire tourner les deux auditeurs en même temps. Ce tuilage permet de garder la mémoire, d’éviter les ruptures et de déconcentrer un peu. Nous espérons beaucoup de l’Allemagne et de l’Espagne, dans lesquels on est assez fortement implantés.” En fait, Pwc et KPMG ont des positions largement dominantes en Allemagne et Deloitte un quasi-monopole en Espagne. Deux pays dans lesquels cette nouvelle option aiguise les appétits des autres cabinets. “Le double commissariat aux comptes limitant les possibilités de trop étroite connivence est l’un des constituants majeurs du modèle de l'audit à la française, à distinguer de l’anglo-saxon” 2/ Un renouvellement plus fréquent des mandats. 99 ans chez HSBC, 45 ans chez Casino, 38 ans chez Rodamco-Unibail… Les audits prennent parfois racine, avec des risques bien connus de connivence. Il faudra désormais que les groupes cotés les renouvellent tous les 10 ans, mais tous les 24 ans seulement en cas de joint audit. “À partir du moment où l’on introduit la rotation obligatoire, sans joint audit, il est certain que cela va être un jeu de chaises musicales pour les très grands comptes, surtout à l’étranger. En France, le jeu de chaises musicales va avoir lieu à cinq.” Certes, il faut respecter une courbe d’expérience car avant de se familiariser avec les arcanes financiers d’un groupe coté, il faut prendre connaissance d’énormes quantités de données et implémenter des méthodologies?; bref, pour les nouveaux entrants, le ticket d’entrée est coûteux en argent et en temps. “On met deux, trois ans à maîtriser les données dans un grand compte. Donc, une rotation à 8 ou 10 ans pouvait nuire à la qualité des prestations. Il ne faut pas oublier que la loi de sécurité financière oblige la rotation des signataires sur un compte après six ans, ou six exercices. Les Américains ont tout de suite dit que cette rotation était négative pour la qualité de l'audit et qu’ils n’en voudraient pas.”

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